Je ne saurais tricher pour commenter ici l'œuvre d'un artiste, Bernard Buffet, que j'admire : son Paris n'est pas le mien. Quarante ans nous séparent et pour avoir connu les temps inhumains où il a grandi, où il a senti s'affirmer en lui le besoin de reproduire les choses visibles, je ne puis oublier ce qui a précédé cette époque de misère et d'oppression : un Paris combien plus tendre jusque dans ses indifférences, un Paris qui parlait au passant, et s'en faisait aimer s'il l'habitait, qu'il y soit né ou qu'il y soit venu, qu'il y ait été heureux ou qu'il y ait subi les coups du sort. Cette familiarité de Paris avec ceux qui l'animent, les écrivains et les peintres (les peintres, les premiers) ont commencé de l'exprimer au xviiie siècle. Avant ce siècle, Paris sert de toile de fond à des carrousels, à de vastes rendez-vous, ou même à des massacres comme celui de la Saint-Barthélemy dans un tableau de François Dubois où l'on voit des huguenots défenestrés, pendus à des gibets, éventrés, jetés à l'eau tandis qu'au loin, sur la colline de Montmartre, un moulin tient ses ailes immobiles dans un ciel paisible. (...)

Gerard Bauer