Rita El Khayat a failli écrire le roman d'une époque. Dans Les Arabes riches de Marbella, il y a deux temps et deux sensations à la lecture. Dans sa "vision réelle des événements", on est transporté par le rythme effréné qui permet de brosser un tableau panoramique et d'inviter à un zoom microscopique sur la décadence post-coloniale, répressive, invivable des années 80. Elle y passe avec une légèreté bluesy de Khomeiny à Saïda Menebhi, ou encore de Ould Daddah à Allal El Fassi, sans perdre de vue son cap, les destins croisés de Omar Farouk et Kholjane. Tout de suite après, les deux protagonistes nous ramènent à la réalité gauche caviar d'une élite saoulée par sa grossière opulence et sa meurtrière indifférence. Mais le rythme est moins relevé, le changement de perspective moins régulier. Le roman passe subitement du génie de l'extravagance au labeur de la narration. C'est l'histoire d'une désillusion, d'une rupture et du plaisir ressuscité d'écrire sur un passé pour le dénoncer. Dans sa volonté de s'en défaire, l'auteur ne fait pas toujours dans la dentelle.