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A appartenu, après la mort de l'auteur (1845), ^^ pasteur F. Théremin, petit-fils par alliance du doyen, qui l'a légué à la Société d'histoire et d'archéologie de Genève. Manque à la Bibliographie de Bridel par Revnold (no II 36). Ce manuscrit est cartonné, avec dos de parchemin. Il porte sur la couverture une étiquette où on lit : Glossaire du Patois Romand par Ph. Bridel pasteur à Montreux. Ebauche; au dos : Glossaire du Patois roman; même titre sur le feuillet de garde, et au-dessous : Priscoe Vestigia gentis. Suivent 9 feuillets blancs, excepté le premier, qui contient une note du pasteur Thére.min. Papier bleuâtre, 23 sur 18 cm., réglage tracé au cravon, que l'auteur néglige. Les pages suivantes, qui composent le Glossaire proprement dit, sont seules numérotées. Une colonne spéciale, à droite, est réservée aux indications de provenance. A la fin de chaque lettre, Bridel avait laissé un espace libre où il ajoutait à mesure de nouveaux articles. L'écriture incertaine des dernières additions annonce qu'il s'en est occupé longtemps. Le volume contient en outre des extraits du Glossaire, intitulés Articles pour une faune
Romanne, 26 pages, ordre alphabétique, où ne figurent pas seulement des noms d'animaux, mais encore des mots se rapportant à leur emploi : attelage, traire, etc. Les pages suivantes sont munies des titres : Ferbe d'agriciiture
(sic) et de travail pastoral, noms de métiers, noms de maladies. Le doyen avait donc l'intention, à la fin de sa vie, d'élaborer un vocabulaire systématique. Voir plus loin, § 8. Quelques indications de Bridel permettent de se rendre compte de l'agrandissement successif de sa collection de mots romands.
D'après son Avis littéraire (n° 1283), elle compte déjà vers 1811 plus de 1000 vocables. Dans son Essai statistique sur le canton de Vaud (no 395), de 1815, p. 227, note, il est déjà parlé de 2000 mots, chiff're porté à 3000 dans une lettre adressée en 1817 à Rayxouard (no 1043). L'oeuvre qui devait devenir fondamentale pour toutes nos études faisait donc des progrès
rapides. Dans notre manuscrit, intitulé Ebauche, qui renferme plus de 8000 mots, le Glossaire est déjà constitué à peu près tel qu'il restera; le second manuscrit (voir no suivant) et l'édition de Favrat (no 1288) n'en sont que
de légères amplifications.
Bridel est parti de l'idée qu'il fallait rechercher dans nos patois surtout les traces de la langue celtique, et il s'attache d'abord aux racines qui ne sont ni latines ni françaises. S'il exhorte, en 1811, à lui fournir des termes d'agriculture, des métiers, de l'économie domestique, les mots ayant trait aux superstitions, etc., ce n'était pas qu'il eût songé à une enquête méthodique, mais les domaines indiqués étaient ceux où il espérait retrouver le plus de termes originaux, c'est-à-dire celtiques. Cette préoccupation fut profitable à l'oeuvre, en amenant l'auteur à étudier en détail les parties du vocabulaire qui échappent généralement à ceux qui désirent faire du patois un emploi littéraire. Nous devons à cette circonstance un répertoire un peu complet du
patois vaudois dès le commencement du XIX™e siècle.
La façon dont Bridel estropie encore certains mots dans ses premières publications : anco « râlement », pour rancot ; courragi « badiner », pour korayi ; guegnu « gâteau », pour ksnyu, etc. (Mots du patois romand, voir sous Études, chap. IV, B), fait supposer qu'il ne pratiquait pas très sûrement le patois dans sa jeunesse. Mais il a dû travailler assidûment à se familiariser
avec cette langue. Il raconte dans son Voyage de Bdle à Sienne (1788) que c'est en parlant patois aux paysans qu'il a réellement appris à les connaître (no 1255). Plus tard, il a écrit habilement en patois, mais ses productions de ce genre sont si rares qu'on a l'impression qu'il ne se livrait pas volontiers à cette activité littéraire. Les erreurs citées disparaissent dans la forme définitive du Glossaire, mais celui-ci en contient encore pas mal d'autres, soit que Bridel ait puisé à des sources déjà fautives, soit qu'il les ait mal lues, soit enfin que Favrat l'ait mal interprété. Ainsi Bridel lit berio « dent d'une fourche», où sa source {Helv. Alm. de 1810, voir n» 1311) porte distinctement bérlo ; il transcrit foridla « poitrine » le mot que son correspondant du Val de Bagnes avait certainement écrit forcella. Un assez grand nombre de mots ou de formes n'ont pas été confirmés par l'enquête du Glossaire des patois de la Suisse romande. Le contrôle s'impose surtout lorsque le doyen sort de son domaine propre des parlers vaudois. Mais dans bien des cas il peut s'agir de mots disparus aujourd'hui, dont il aura conservé la dernière trace.
Il est très difficile de reconstituer les sources de Bridel. Les matériaux du Val d'Illiez lui ont été fournis par le chanoine J. M. Caillet-Bois (1767-1832, cf. Essai statistique sur le canton de Valîais, p. 340, note); ceux du Pays-d'Enhaut proviennent pour la plupart du doyen Henxhoz (pasteur à Rossinière, 175 3- 1842), dont l'orthographe et les définitions sont en général
conservées (voir n" 1293), mais Bridel a eu l'occasion de les augmenter pendant son pastorat à Château-d'OEx (1796-1805); la majorité des mots donnés pour Fribourg sont tirés de VAlmaur.ch helvétique de 1810 (no 131 1).
Le doyen a dû recueillir beaucoup par correspondance, beaucoup aussi par interrogation directe. Il indique environ 40 régions ou lieux d'origine ; à peu près la moitié des articles ne sont pas localisés. Les désignations sont parfois vagues : Alpes, Jorat. Par Jura il entendait toute la chaîne de ce nom, par opposition à Alpes (essentiellement les Alpes vaudoises) ; certains
vocables attribués au Jura appartiennent en propre au canton de Neuchâtel, d'autres sont caractéristiques pour le Jura bernois, qui sans cela est désigné comme Evêché de Bâle. Les villes ou villages cités sont tous du canton de Vaud. Cette première tentative de réunir les trésors linguistiques de la Suisse romande devait nécessairement demeurer très inégale, mais le noyau de l'oeuvre, la contrée qui s'étend de Lausanne à Château-d'OEx, est représenté d'une façon assez complète. En Valais, les recherches ne vont pas au delà de Sion. Genève et Neuchâtel ne sont guère représentés que par leurs capitales,
et très faiblement. Le Jura bernois ne fait que de rares apparitions.
Ainsi le Glossaire est en première ligne vaudois ; en dehors de son domaine particulier, Bridel ne dispose que d'une information fragmentaire et très peu sûre. Les mots valaisans sont souvent si défigurés qu'on a de la peine à les reconnaître. Si la répartition géographique des vocables laisse beaucoup à désirer, il est encore plus regrettable que Bridel n'ait pris aucune peine pour localiser les variantes phonétiques ; ainsi tru, trau, treu (trop) ne sont attribués à aucune région déterminée.
La représentation graphique de patois très divergents, sans tradition littéraire, et offrant des sons qui n'avaient pas leurs correspondants en français, devait présenter des difficultés insurmontables à l'époque de Bridel. Aussi est-elle très approximative et pleine de contradictions. Les observations qu'on lit à ce sujet aux pp. 95, 124, 203, 209, 508 et 341 de l'imprimé (n» 1288),
et qui se trouvent déjà dans notre manuscrit, montrent bien l'insuffisance de l'auteur et de son temps en matière phonétique. Il note sans système ca ou ka (cf. cakahot) ; le //; doux (de l'anglais father) est transcrit tantôt par //;, tantôt par dh, mais ces graphies apparaissent aussi pour des t ou d normaux {bardhi « bardeau ») ; pour fermé, il y a hésitation entre au et : bardelau-bavo ; sch fait double emploi avec ch ; la confusion est complète pour dj, d^, ^, etc.
Qui saurait deviner la vraie prononciation de hattbolla. batohllia ou defairtho, hllerto, certho ? A quoi bon écrire pouha, qu'on prononce en une seule syllabe? L'incertitude orthographique a amené Bridel à enregistrer à deux places une quantité de mots, comme djakeniar et jakemar, d:^ettJn (imprimé d^eti) et :^illihi, chanta et schauta, etc. Ce qui est pis, c'est que le doyen n'a pas reconnu que les subst. féminins qui ont ou avaient une mouillure dans leur radical se terminent par -^ et non par -a ; il fausse la vraie prononciation en écrivant èao-7;a, baragna, felaira, felandaira, trouia, etc. Des formes comme Ischalau « jaloux », viarida « marier », etc., ne correspondent à aucune réalité.
Le côté le plus faible sont les étymologies que Bridel propose pour un grand nombre de ses mots. Il était celtomane et voyait en eux des témoins de nos temps les plus primitifs. Plus tard, il reconnut son erreur et avoua humblement à Vulliemin avoir « vécu au temps où l'on croyait qu'Adam avait parlé bas-breton » . Le philologue moderne glisse sur ces étymologies, qui ne le gênent point. Il y trouve même quelquefois un rapprochement utile. Puisque l'oeuvre entière doit son existence à cette erreur fondamentale, ne la condamnons pas trop. Nous aussi recherchons dans les mêmes patois les « PriscLC vestigia gentis » et nous sommes de notre temps comme Bridel était du sien.
On peut même dire qu'il le devançait et qu'il est vraiment le précurseur qu'a vu en lui M. de Reynold. Sa celtomanie ne l'a pas empêché d'étendre ses recherches aux mots de tous les domaines de la vie et d'arriver à une richesse bien rare à son époque. Ses définitions sont claires, il ajoute par-ci par-là un exemple, une tournure proverbiale, un peu de phraséologie (voir p. ex. sous diaUlo) ; les anecdotes dont il assaisonne son dictionnaire ne manquent pas de sel. D'autres chercheurs se sont engagés sur la voie ouverte par cet éminent devancier ; grâce à lui et à son éditeur Favrat, la science a déjà pu faire une place à la Suisse romande dans le domaine des études lexicographiques. Le nom de Bridel se retrouvera presque à chaque page du Glossaire des patois de la Suisse romande, dont il a eu la première idée.
Tiré de : Bibliographie linguistique de la Suisse romande (1912)
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Glossaire du Patois de la Suisse Romande
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