Milan est et se considère comme un monstre. Élevé par un couple fortuné qui n'a que faire des contraintes scolaires, allant jusqu'à payer pour faire monter les moyennes de leur fils, l'adolescent rouquin, rondouillard et arrogant tente une fois de plus d'imposer sa loi dans une école publique qui l'accueille après moult renvois dans d'autres établissements du secteur privé. Or, cette fois, à son grand dédain, Milan doit composer avec un fort pourcentage d'élèves d'origine haïtienne. Mais Mélodie Jardinlieu ne lui laisse pas le privilège de l'intimider. Paradoxalement, elle et sa chienne boiteuse le protègeront de la bande de Gus. Mais en guise de représailles musclées, Gustave, ce redoutable délinquant, mettra le feu au domicile de Mélodie, obligeant celle-ci à rentrer au pays pour rejoindre son père, mêlé à de sales affaires, alors que sa mère et son grand frère sont hospitalisés. Milan se promet de la venger et avec l'aide de son auteur, qui intervient régulièrement durant le roman et lui imagine une suite héroïque campée dans une campagne médiévale de légende où s'affrontent le Bien et le Mal. Un jeu de rôle qui le transporte en 1183 et qui lui permet d'éviter l'incendie qui aurait pu lui ravir cet amour naissant.

Divisé en trois parties, ce roman navigue entre trois univers narratifs dont la démarche créative de l'auteur en dirige le ton. Ainsi, l'auteur s'imagine en train discuter avec son héros bien désagréable, puis illustre son quotidien cru, grossier et glauque dans un quartier chaud de Montréal, en y intercalant un passé médiéval épique qui permet à Milan de réaliser sa quête. Cette parenthèse teintée de fantastique colore son retour à la réalité en superposant sa lutte à celle que se livrent la directrice et le comte Gustave, appuyée par des Macoutes d'outre-tombe. Les dialogues (parfois ponctués de passages en vieux français, traduits en bas de page) sont rédigés dans un style direct, insistant sur le caractère raciste dont fait d'abord preuve l'adolescent, et caricaturant les adultes de manière presque clownesque. Puis, de manière plus chargée, est racontée la part ancienne de ses aventures. Un exercice d'auteur donc, dont les digressions personnelles privent malheureusement la trame d'une bonne dose de mystère, dénuant un peu trop le récit de son suspense. Il propose cependant un parallèle intéressant sur ce thème manichéen se jouant à la fois à une époque chevaleresque, dans les écoles et chez l'adolescent. [SDM].