Ami Bost (1876-1944)
HISTOIRE DE L’EGLISE PROTESTANTE DE MACON
Préface de l’auteur
Dans sa séance du 30 janvier 1851, l’académie de Mâcon mettait au concours, sur la proposition du docteur Bouchard une question ainsi formulée :
PREMIERE PARTIE
1° Décrire les guerres de religion dans le Mâconnais et les faits historiques qui s’y rattachent depuis l’établissement du protestantisme jusqu’à la réunion des Etats de Blois (1576).
2° Rechercher les causes qui ont amené et développé le calvinisme dans nos contrée à cette époque.
DEUXIEME PARTIE
1° Décrire les guerres de religion dans le Mâconnais depuis la réunion des Etats de Blois jusqu’à l’Edit de Nantes.
2° Rechercher les causes qui ont amené l’extension radicale du protestantisme dans notre province.
3° Rechercher s’il existe quelques traces de cette époque dans les mœurs, les usages, les traditions, les monuments, les habitations, la numismatique, etc., parmi les populations mâconnaises.
Les manuscrits devaient être déposés avant le 30 août 1852… la brièveté du temps imparti aux concurrents laissait croire que les documents à trouver et à consulter étaient rares ; la question elle-même semblait enfermer le mouvement calviniste mâconnais entre le début des guerres de religion (1562) et l’Edit de Nantes (1598).
Aucun manuscrit ne fut envoyé, malgré une prolongation du délai. Deux ouvrages relatifs à cette question montrent du reste, la nécessité d’espacer les dates extrêmes. E. Chevrier (1) en ses travaux trop peu connus révéla les derniers efforts et les dernières souffrances au XVIIe siècle de l’Eglise protestante de Mâcon ; de Abel Jeandet, dans les communications successives qu’il fit à l’académie de Mâcon et réunies sous le titre de Mâcon au XVIe siècle décrivit avec passion les réactions protestantes de 1562 à 1567 sur lesquelles déjà D***, auteur des Révolutions de Mâcon (paru en 1760) s’était longuement étendu. Cette double prise d’armes huguenote exprimait trop de colère et de rage – tous les documents en font foi – pour ne pas avoir de raison. Prendre pour point de départ cette époque troublée et cette exaltation fanatique c’était s’exposer, immanquablement, et à considérer le protestantisme comme une véritable aberration humain et comme une monstruosité. D***, Abel Jeandet e d’autres n’y ont pas manqué.
En réalité il faut savoir remonter plus haut ; la protestation huguenote armée de 1562, dans la France entière, a ses racines dans les évènements douloureux trop souvent renouvelés qui précédèrent. En ce qui concerne le Mâconnais La Réforme en Bourgogne de F. Naef et R. Claparède, nous a mis sur la voie, et de fructueuses recherches dans la magnifique collection des archives mâconnaises que nous avons dépouillée avec soin nous ont permis d’éclaircir l’énigme angoissante de la révolte protestante.
Les causes de cette révolte cessant et le calme revenu, l’Eglise de Mâcon s’était ressaisie et s’était relevée de ses ruines pour accomplir un nouvel acte de foi pendant le siècle qui suivait l’Edit de Nantes (1598). Là, encore nos recherches ont été heureuses et les vieux papiers ont parlé. Ils nous ont révélé la ténacité patiente, l’effort soutenu de ces « prétendu réformé » qui ne demandaient que la liberté de culte, cet effort qui, finalement est venu se briser contre l’inique décret révoquant l’Edit de Nantes. Alors, seulement, l’Eglise étant anéantie à Mâcon, les archives de la ville n’ont plus rien à nous rappeler.
Nos lecteurs se rendront compte que le parti réformé de Mâcon a tenu une place plus grande et fourni un effort que ne l’entrevoyait le concours académique et la tradition.
Ce sont les faits de son histoire que nous voulons mettre à jour ; mais nous nous bornons à l’histoire de l’Eglise réformée .Dès lors nous n’étudierons ni l’histoire locale de la Révolution de 1789 ni ses manifestations culturelles ni les agitations populaires de ceux que l’histoire à Mâcon, a appelés les « descendants » des huguenots, ni l’opposition opiniâtre des échevins à l’établissement des jésuites et d’autres congrégations, au XVIIe siècle. Nous laisserons délibérément de côté ces divers événements, malgré l’intérêt évident d’une pareille étude qui touche au libéralisme politique et qui se rattache à l’esprit de la Réforme.
Notre but est de faire connaître le plus douloureux chapitre de l’histoire locale mâconnaise, car l’histoire a d’éternelles leçons de foi, d’espérance et de charité à nous apprendre. C’est pourquoi nous offrons avec confiance – dans les termes mêmes des manuscrits originaux – le récit aussi complet que possible des événements qui se sont déroulés à Mâcon et qu’il faut connaître dans leurs détails et leur cadre pour pouvoir les juger.
Nous sommes heureux de remercier tout particulièrement M. Léonce Lex archiviste du département et de la bibliothèque de la vie pour le secours constant et aimable qu’il nous a apporté tant dans la lecture des manuscrits que dans les recherches à opérer dans les collections qu’il a su assembler pour le plus grand bien de l’histoire locale. Que M. Weiss bibliothécaire de la Société du protestantisme français, MM les pasteurs C. Bost, Broux, A. Laügt, C. Lenoir trouvent ici l’expression de ma vive reconnaissance pour les renseignements qu’ils ont bien voulu nous fournir, comme Me Jobert et Me Gautheron pour la permission qu’ils m’ont gracieusement accordée de fouiller leurs précieuses archives. Nous n’avons garde encore d’oublier dans notre gratitude MM. Siraud et Courbet qui pendant des années m’ont apporté les lourds registres confiés à leurs soins et m’ont offert la plus aimable hospitalité dans leur bureau.
Mâcon Janvier 1911 – Juin 1915
(1) Le Protestantisme dans le Mâconnais et dans la Bresse au XVIe et XVIIe siècles. -1968… Edition refondue et agrandie sous le titre : Notice historique sur le Protestantisme dans le département de l’Ain et lieux circonvoisins. Paris. Fishschbacher. 1883.