First Sentence

"Cela a commencé par un coup de téléphone; une voix féminine se recommandait d'un camarade de captivité dont j'avais oublié jusqu'au nom. Quelques jours plus tard, une femmes aux traits déjà marqués frappait à ma porte : son mari n'était pas revenu d'Allemagne ; toutes les recherches s'étaient avérées vaines ; les témoignages des atres officiers étaient contradictoires et ne s'accordaient ni sur la date, ni sur les circonstances de sa disparition. Ls archives avaient été détruites dans la débâcle des derniers jours. Elle avait espéré longtemps son retour, voulant l'imaginer caché dans une Allemagne en débandade, retenu dans un camp en Union soviétique... En 1946, un ancien prisonnier lui apporta un cahier qui lui avait été remis, trois ans auparavant, lors de son rapatriement en France. Il devait remettre à son tour le manuscrit, après la guerre, à l'auteur, ou en cas d'accident à sa femme. C'était un journal intime, une sorte de comptabilité intellectuelle tenue au fil des jours et qui s'arrête en mai 1943. Il y a quelque mois, elle recevait un second cahier. Un historien avait retrouvé ces pages dans les archives allemandes. Il était arrivé à identifier l'auteur de ces textes non signés qui prolongent jusqu'en 1944 le journal interrompu. Les dernières pages du manuscrit ne sont pas datées et n'apportent aucun précision sur le sort de celui qui avait confié sans détours au papier sa véritable existence. Ce document devrait retenir l'attention de ceux qui s'intéressent à l'homme, à ses réactions dans un milieu donné et dans une situation particulière. Il n'a pas la prétention d'apporter un exemple à louer ou à blâmer. C'est un témoignage : à ce titre il mérite d'être entendu."